La bonne croissance des startups et les levées de fonds prématurées

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Je suis constamment bombardé de newsletters qui expliquent comment faire pour lever des fonds, comment réaliser le meilleur pitch pour trouver des investisseurs… Lors de dîners vous revoyez des amis de longue date, eux-même entrepreneurs, qui arborent fièrement dans leurs discussions les levées réalisées en comparant même les montants obtenus. Le pire c’est que leurs sociétés n’existent plus. Elles ont été absorbées par leurs investisseurs (des industriels) ou elles ont brûlé tout leur cash et été revendues à la casse à une autre société…

Je déplore alors que la profitabilité des startups n’ait pas ce succès dans notre écosystème. Que ce soit chez les médias, les fondateurs ou les équipes. La levée de fonds aujourd’hui est devenue un Graal.

On parle souvent de levée de fonds ou de croissance du chiffre d’affaires, mais jamais de la profitabilité. Comme si faire du profit n’était plus une priorité. Combien de startups voit-on essayer de lever des fonds avant de valider leurs fondations ?

Ne vous méprenez pas. Il existe de nombreuses bonnes raisons d’aller chercher ce type d’investissement. Cependant le but de cette tribune est de sensibiliser aux dangers d’une levée de fonds prématurée.

La levée de fonds c’est un moyen, pas une fin

 

C’est une platitude. Tout le monde le sait. Malheureusement il semble que l’on n’évalue plus le succès d’une entreprise à la réussite de son business model. On est un entrepreneur à succès lorsqu’on lève beaucoup d’argent. Et c’est dommage. Une levée de fonds n’est pas une fin. Jamais. C’est un moyen de financement. Un moyen pour aller plus vite.  Mais ce n’est pas un argument viable de succès.

Demandez à Jawbone, une licorne ayant récoltée presque 1 milliard de dollars, valorisé plusieurs milliards, qui est en train de mettre les clés sous la porte. Leur business model n’était plus de vendre leur produit, mais d’acquérir des nouveaux financements. Cela pendant 17 ans, jusqu’à ce que leur manque de rentabilité les rattrape.

L’erreur que font les jeunes entrepreneurs, c’est de penser qu’ils pourraient faire plus avec plus de budget. “Ah si seulement j’avais X millions, nous pourrions développer tel produit ou faire tel événement médiatique ”.

Seulement si vous ne pouvez pas le faire avec ce que vous avez actuellement, c’est que c’est soit le mauvais moment, soit que ce n’est pas utile. Par ailleurs, avec quelques millions en plus, vous ne pourrez sans doute pas rendre votre produit ou service plus viral, plus sexy ou plus pertinent pour vos utilisateurs.

Une levée de fonds c’est un outil de croissance. Cet outil doit être utilisé pour créer plus de valeur et plus de profitabilité. Pas pour compenser le coût de locaux démesurément grands, recruter des talents surqualifiés ou artificiellement nourrir un business model caduc. Je mets de côté les fonds levés pour les secteurs qui nécessitent eux de gros investissements dès le début tels que l’industrie pharmaceutique, la recherche, la manufacture…

Ne levez pas pour battre la concurrence

La raison d’être d’une startup part d’un problème. Ce problème n’est pas adressé par d’autres entreprises. Une startup a du sens quand elle apporte quelque chose de nouveau, qui n’existe pas sur le marché.

Si elle doit s’empresser de lever des fonds et de battre la concurrence rapidement, c’est que son produit n’est pas révolutionnaire. Peut-être vaut-il mieux pivoter et chercher un autre écosystème sans concurrence ?

Toucan Toco est souvent comparé à d’autres géants du logiciel au premier abord. En réalité nous avons pris le marché existant depuis 40 ans de la BI sous un autre paradigme. Notre plateforme de data storytelling est une nouvelle catégorie dans cet univers. Elle répond à un besoin qu’aucune entreprise ne traitait.

Nous n’aurions eu aucune chance si nous avions proposé le même produit que nos “concurrents” en mieux. Le besoin auquel nous aurions répondu alors, aurait déjà été adressé par des acteurs intouchables, qui auraient eu plus de fond, plus d’expérience et d’expertise que nous.

Les startups ayant levé des fonds échouent plus par manque de financements que les entreprises autofinancées

Kerry Jones, une chercheuse en marketing de chez Fractl, a analysé les rétrospectives de plus de 150 fondateurs sur les raisons pour lesquelles leurs startups avaient échoué. Dans le milieu cela s’appelle un post mortem.

Elle a observé deux  tendances principales.

Elle réalise que ce sont les startups qui lèvent des fonds qui rapportent échouer par manque de financement supplémentaire. Environ 30% des 150 startups analysées.

Par ailleurs une autre tendance émerge, parmi les startups ayant levé plus de 10 millions, 19% d’entre elles estiment qu’elles échouent à cause d’une concurrence trop forte. Cela indique directement qu’elles avaient un business model trop similaire à ce qui existait sur le marché. Tech Crunch a d’ailleurs réalisé un top 10 des startups les plus financées qui ont mis les clés sous la porte, pour un total d’investissement de plus de 1,7 milliard de dollars.

A l’opposé, ces raisons sont rarement évoquées chez les startups autofinancées.

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5 raisons principales pour lesquelles les 150 startups étudiées ont échoué. Source: Fractl

La levée de fonds peut désaligner les fondateurs de leur produit

Au lancement de la startup, le fondateur doit idéalement avoir un rôle de producteur et faire avancer le produit, le business et la croissance. Une levée de fonds, bien qu’elle réponde aux enjeux de croissance, ne laisse pas le temps au fondateur de valider l’adéquation de son business model avec le marché.

Afin de sécuriser le prochain tour d’investissement, certaines startups vont se focaliser sur des métriques de croissance afin de convaincre leurs investisseurs.

Le danger, c’est que certaines startups ne se concentrent que sur ces indicateurs afin d’obtenir plus d’investissement et qu’elles en oublient de se concentrer sur la génération de profit et la recherche d’un business model viable.

Par ailleurs la plupart des startups se fondent avec une petite équipe de moins de quatre personnes. Allouer une ressource sur ce sujet n’est vraiment pas négligeable pour le développement d’un business. Si un des fondateurs ne produit pas, c’est un réel manque à gagner.

Enfin pensez au développement personnel. Allouer du temps aux levées de fonds fera d’un fondateur un meilleur leveur de fonds certes, mais pas un meilleur CEO. Passer autant de temps en dehors de son activité alors que le produit n’est pas encore stable, c’est aller droit dans le mur.

Devenir accro aux levées de fonds… c’est possible.

CBinsights, un institut de recherche sur les venture capital, a partagé une étude intéressante sur les 1098 startups qui ont levé des fonds entre 2008-2010 aux Etat-Unis. Près de la moitié (46%) de ces startups ont levé au moins deux tours de financement. Plus impressionnants encore, 28% des entreprises qui ont levé, ont soit été rachetées, soit fait un IPO.

Ces chiffres sont édifiants. Ce qu’ils disent: une fois que vous avez levé des fonds, vos investisseurs n’ont aucun intérêt à vous voir prendre votre temps pour faire croître votre activité en autonomie.

Pourquoi ? Parce que vos investisseurs veulent avoir un retour sur investissement. C’est normal.

Si une seconde levée de fonds est réalisée, leurs actions dans votre entreprise seront mieux valorisées. Si un rachat ou un IPO est réalisé, ils font un beau retour sur investissement.

Faire une levée de fonds, c’est un partenariat à long terme. Ce n’est pas une simple augmentation de votre trésorerie.

Vous n’êtes plus maître du navire, vous devez répondre à des exigences de recrutement, de dépenses marketing et d’augmentation de CA. Il n’y a pas de sortie possible avec votre investisseur.

 

Les levées de fonds sont une accélération

 

La levée de fonds ne doit pas se substituer à un modèle de rentabilité. Une startup qui n’a ni les bases ni les piliers nécessaires pour enclencher la machine ne devrait jamais lever. Je ne peux que conseiller d’attendre, de confronter son produit au marché et de structurer ses équipes.

Toucan Toco sera sans doute amené à recourir à des investisseurs pour accélérer sa croissance. Cependant nous le ferons, car nous aurons testé nos process en interne et que nous saurons où nous mettons les pieds. Je préfère me tromper avec 100 000 euros bien investis qu’avec 3 millions.

Notre croissance a toujours été organique et contrôlée. Cela ne nous empêche pas de doubler notre CA chaque année et d’avoir une équipe de 50 personnes en 3 ans. En prenant notre temps nous sommes allez plus vite que si nous avions levé. Cela parce que nous sommes structurés.

La capacité à faire, à savoir exécuter est une promesse de solidité. En effet, réussir à trouver des clients, valider son pricing, son product market fit, sa rentabilité, sans lever de fonds, valident la capacité d’une entreprise à croître exponentiellement lors d’un investissement.

Mon dernier conseil: la levée de fonds c’est un partenariat. Comme dans tout partenariat ce sont les humains qui comptent. Définissez une stratégie qui répond à votre besoin. Avoir de la trésorerie ? Avoir des investisseurs impliqués opérationnellement ? Vérifiez que vous êtes bien aligné avec vos investisseurs. C’est un problème que l’on voit arriver trop souvent avec de jeunes startups.

Le choix ne doit pas être fondamentalement porté sur le montant de la levée de fonds. Il doit être focalisé sur la qualité du partenariat. De la compréhension entre les fondateurs et l’investisseur. Du partage d’une vision et ambition commune. La stratégie peut être de revendre dans deux ans ou de construire une grande histoire comme Airbnb ou Facebook. Vous choisirez vos partenaires bien différemment. Une seule règle, prenez votre temps. Prenez votre temps pour en gagner.

Baptiste Jourdan,

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Baptiste Jourdan est un entrepreneur avec plusieurs créations à son actif. Après avoir fait ses armes dans le monde du e-commerce et digital, en 2014 il co-fonde Toucan Toco et prend en charge son développement en tant que directeur associé. Parallèlement, Baptiste est Co-fondateur de plusieurs clubs d’affaire tels que le DFC One et le Go Between Club. Baptiste est diplômé d’un Master Finance de l’ESSCA, il enseigne dans différentes écoles de commerce.

 

 

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